Cette saison, les newsletters du CHI de Genève rendront hommage aux chevaux de légende ayant marqué l’histoire du concours genevois, soit à compter de 1991, année de la première édition disputée à Palexpo. Pour commencer cette série, ce n’est pas un, mais deux chevaux qui sont mis à l’honneur : E.T. et Calvaro.
Hugo Simon fait preuve d’audace et de ruse au barrage, pour triompher. L’Autrichien a remporté trois Coupes du monde (1979, 1996 et 1997) et son merveilleux petit E. T. deux à lui seul. - © Jacques Toffi
Avril 1996 : pour la première fois de son histoire, Genève reçoit la finale du circuit Coupe du monde de saut d’obstacles. À Palexpo, plus de 51’000 spectateurs passionnés de sports équestres se sont donné rendez-vous pour l’événement. Pour le dernier acte, les tribunes sont combles, prêtes à vivre un grand moment. Et pour cause ! En prenant place dans les gradins, les afficionados ne savent pas encore que cette finale va donner lieu à un barrage d’anthologie entre deux chevaux d’exception : E.T. FRH (Han, Espri x Garibaldi II), monté par l’Autrichien Hugo Simon, et le géant Calvaro V (Holst, Cantus x Merano), mené de main de maître par le regretté cavalier suisse Willi Melliger. Contre toute attente, la finale les place à égalité à l’issue de la dernière manche, le jeune Rodrigo Pessoa ayant cédé la tête de façon inattendue. Pour se départager, ils doivent donc tout risquer dans un ultime barrage astucieusement conçu par le chef de piste Paul Weier.
À peine une décennie après le duel mené sur les pistes du monde entier par le blanc Milton et le noir Jappeloup – respectivement sous couleurs britanniques avec John Whitaker et françaises avec Pierre Durand –, un nouveau face à face d’exception s’opérait entre le petit (1,62m au garrot) mais ô combien bondissant alezan E.T. et l’immense et spectaculaire gris Calvaro (1,85m). « C’était un sacré moment, car personne n’avait imaginé qu’il y aurait un barrage pour départager le vainqueur », se souvient Margit, la femme du pilote autrichien qui se dit aujourd’hui être la mieux placée pour en parler. « E.T. étant E.T., ce scénario était une bonne chose pour lui. Mon mari a ainsi pu prendre une sacrée option en coupant devant le lac, ce que Calvaro ne pouvait faire, et cela lui a permis de gagner suffisamment de temps pour aborder sereinement l’impressionnant dernier obstacle de l’épreuve. »
« Plus il accélère et mieux il saute », confirmait dans la presse voilà plusieurs années son illustre pilote. À l’issue de cette victoire incroyable, le tour d’honneur endiablé du couple vainqueur et la liesse du public, dont le cœur vibrait pourtant davantage pour « son » couple phare helvétique, ont participé à la magie du moment.
Ancien cavalier de l’équipe de Suisse, et ancien numéro un mondial, Markus Fuchs, l’oncle de Martin, a longtemps côtoyé ces deux couples mythiques. S’il ne garde pas de souvenirs précis de cette extraordinaire finale, il se souvient néanmoins parfaitement de ces chevaux d’élite. « La véritable différence entre ces deux cracks, c’était leur couleur», plaisante-t-il en plagiant John Whitaker pour parler de Milton et Jappeloup, avant de poursuivre : « Malgré sa taille phénoménale, Calvaro était un cheval très sanguin et regardant, mais également très respectueux. Réaliser des doubles sans-faute sur des épreuves présentant des parcours vraiment hauts et durs ne devait sans doute pas lui demander beaucoup d’efforts, mais c’était plus compliqué pour lui de remporter des barrages. » Un domaine dans lequel son principal adversaire semblait bien plus disposé. « E.T. avait une envie de gagner palpable. Avec son cavalier, il composait un duo de guerriers incroyable ! Je pense d’ailleurs que ce cheval était comme cela grâce à Hugo, qui l’avait formé. La compétition était vraiment son truc. D’ailleurs, Hugo nous répétait tout le temps que si E.T. restait aux écuries, il trottait à côté du camion et hennissait pour partir aussi en concours», s’amuse l’ancien pilier de l’équipe helvétique. Un tempérament de feu que confirme Margit Simon : « E.T. voulait gagner ! Il voulait toujours être devant tout le monde aux remises de prix. Là, il était statique comme une pierre, tout comme à la maison où il était le cheval le plus doux que vous puissiez imaginer. Mais lorsqu’il entrait en piste pour concourir, c’était un vrai lion. Honnêtement, E.T. a été le cheval de ma vie. »
Willi Melliger et Calvaro V deuxièmes et tout près du but : comme aux JO d’Atlanta, quelques mois plus tard, ou aux JO de Sydney 2000, où ils se pareront aussi d’argent. Le légendaire Calvaro V a aussi triomphé dans de nombreux Grands Prix et, deux décennies plus tard, sa magie reste intacte. - © Jacques Toffi
Côté palmarès, si E.T. a remporté plus de trente Grands Prix, dont de fabuleuses victoires à Aix-la-Chapelle, Dortmund, Stuttgart ou encore Rotterdam, ainsi qu’une médaille d’argent par équipe aux championnats d’Europe de Mannheim en 1997 et une très belle 4e place individuelle aux Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996, Calvaro s’est d’avantage distingué comme un magistral cheval de championnats. Couronné d’or par équipe et de bronze en individuel aux Européens de Saint-Gall en 1995, il est de nouveau médaillé de bronze en individuel deux plus tard à Mannheim, puis auréolé d’argent par équipe en 1999 à Hickstead. Et les fans de ce Pégase retiendront encore davantage sa médaille d’argent individuelle aux JO d’Atlanta et une même breloque à Sydney, quatre ans plus tard, par équipe. « Il volait, et j’avais l’impression que rien ne pouvait lui arriver », disait de lui Willi Melliger.*
Pour la petite histoire, après la victoire du petit alezan face au géant gris à Genève lors de ce barrage historique, les deux couples ont eu l’occasion de se livrer un nouveau duel à Palexpo , lors de l’étape habituelle du circuit hivernal, en décembre de la même année. Soucieux de prendre sa revanche, qui plus est devant son public, Willi Melliger était alors parvenu à ses fins, non dans le Grand Prix, mais dans une épreuve spectaculaire qui avait confronté les deux ténors sur leurs cracks.
Sophie Lebeuf
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